Pour une rentrée vitaminée, j’explore avec toi la (re)mise en mouvement et pourquoi, par moments, c’est plus compliqué.
- T’est-il déjà arrivé de te sentir coincé.e dans une situation, d’avoir l’impression que tu n’en sortiras jamais ?
Je peux imaginer que si tu regardes cette situation du passé avec le recul de qui tu es aujourd’hui, il se peut que tu en ries ou ne comprennes pas vraiment pourquoi et comment tu as pu rester autant de temps sans rien pouvoir faire, sans y voir clair… Alors qu’aujourd’hui, cet épisode te paraît plus clair ou évident.
Je tiens à te rassurer d’emblée : tu es un être humain parfaitement normal ! 😊
Il se trouve que notre cerveau nous joue parfois des tours. Depuis notre naissance ou même avant, divers événements de notre vie ont mis en place des programmes, utilisés par défaut par notre système nerveux, dès que les circonstances s’apparentent à celles que le cerveau a enregistrées lors de l’épisode d’origine. L’un de ces schémas typiques est la procrastination : une partie de moi est enthousiaste, créative et a très envie d’explorer de nouveaux horizons et en même temps, une autre part de moi a très peur de quitter sa zone de confort. Il résulte de cette bataille interne une inertie qui empêche d’aller de l’avant. Un autre schéma typique est le figement : je me sens littéralement bloqué.e, coincé.e, le corps et l’esprit lourds, sans énergie ni aucune possibilité de mise en mouvement. Cet état de tétanie a lui aussi été induit par un ou plusieurs événements de l’enfance, la plupart du temps. La particularité de l’état de figement, est que la partie analytique du cerveau est déconnectée du reste. Dans la situation qui me fige, je ne suis plus capable de raisonner ou de chercher une solution. C’est particulièrement ce cas de figure que j’aimerais explorer.
- Le figement et le mode survie
Le cerveau humain traite en moyenne 10 millions de stimuli à chaque seconde, ce qui en fait un sacré centre de traitement de l’information ! Inutile d’ajouter qu’à ce rythme, le tri doit se faire rapidement puisque pour une partie de ces informations traitées, il en va de notre survie physiologique. Considérons, à titre d’exemple, la température extérieure qui induit une auto-régulation de notre propre température corporelle ou encore du rythme cardiaque, surtout lorsque les conditions sont extrêmes ; tout ceci s’effectue de manière automatique grâce à notre système nerveux autonome, sans que nous ayons à y réfléchir. Peut-être te demandes-tu quel lien existe-t-il alors entre le traitement de l’information et le figement ?
Les informations des stimuli extérieurs entrent dans notre cerveau par le thalamus, structure située au centre, reliant le cortex – partie extérieure – au tronc cérébral, situé plus en profondeur ; il joue le rôle de point de distribution de l’information recueillie, vers les systèmes ou sous-systèmes concernés. Lors de cette distribution a lieu une analyse ultra-rapide « danger >< sécurité ». Si plusieurs signaux d’alertes convergent et démontrent un danger potentiel, les informations sont envoyées simultanément via deux circuits différents – émotionnel et analytique -, vers nos bibliothèques de mémoire. Ces deux circuits de mémoire diffèrent par leur nature et la rapidité du traitement de l’information. Si l’information traitée par la centrale de mémoire émotionnelle – logée dans les amygdales – renvoie une réponse en 5 millisecondes environ, le circuit passant par la centrale analytique – néocortex préfrontal gauche – envoie sa réponse en 2 à 3 secondes. Comme son nom l’indique, le circuit du néocortex analyse en détail les informations reçues, en vérifiant si la situation réelle peut mener à un potentiel danger. La conséquence de cette double vérification, est que si l’alerte est confirmée par les amygdales, le circuit « lent » est coupé : la partie analytique du cerveau est mise en veille et le système nerveux passe en mode survie.
- Et le figement, dans tout ça ?
Le mode survie est régi par la partie la plus archaïque de notre cerveau, son mode de fonctionnement est binaire : bien vs mal, sécurité vs danger, ok vs pas ok. Si le mode survie est enclenché, il s’agit de survivre à un danger de mort : imagine un lion qui bondit pour te dévorer ! Pour échapper au prédateur, trois options s’offrent à nous : le combat (en anglais : fight), la fuite (EN : flight) ou faire le mort, soit le figement (EN : freeze). Si je ne suis pas capable de combattre mon adversaire ou de fuir, je fais le mort. En général, les grands carnassiers préfèrent dévorer une proie vivante ; en figeant, j’ai une chance que le prédateur me laisse et s’attaque à une autre proie. Le figement implique une série de réactions physiologiques, durant lesquelles toute l’énergie mobilisée pour un éventuel combat ou une fuite est stockée dans les cellules, en même temps que les émotions et les sensations corporelles que j’ai ressenties au moment du stress.
Il est rare pour nous, citoyens occidentaux, de rencontrer de grands carnassiers dans notre quotidien ; il se peut cependant qu’une personne représentant une forme d’autorité, par son comportement ou son aspect physique, fasse résonner mes réseaux de mémoires, me renvoyant à un épisode difficile de mon enfance – par exemple, face à un instituteur ou un parent sévère. Et adulte, je me trouve incapable de répondre à cet autre adulte en face de moi : je fige. Je peux figer aussi face à une tâche à accomplir, si une partie de moi se sent complètement dépassée et s’imagine qu’elle n’y arrivera jamais, peut-être parce qu’elle a entendu à répétition qu’elle est nulle ou incapable. Adulte, je me sens alors incapable d’effectuer un premier pas vers l’accomplissement de cette tâche.
- En quoi le figement est-il bloquant ?
Contrairement aux autres mammifères, l’être humain, la plupart du temps, ne décharge pas toute cette énergie accumulée au fil des épisodes vécus. Si je prends l’exemple d’une gazelle qui fige et après que le lion l’ait laissée et se soit éloigné, s’échappe : une fois en sécurité, son corps est parcouru de tremblements qui déchargent toute l’énergie mobilisée lorsque son système est passé en mode survie. Peut-être t’est-il déjà arrivé de vivre une grande frayeur et une fois le stress passé, tes jambes se sont mises à trembler : tu as vécu un déchargement spontané. La plupart du temps, nous ne nous l’autorisons pas : nous cherchons à le bloquer, nous « mordons sur notre chique » et poursuivons nos activités comme si de rien n’était. En réalité, toute cette énergie de stress est stockée dans notre corps. Notre cerveau aimant le confort, il est possible que le figement soit devenu, au fil de nos épisodes de vie, un programme de fonctionnement par défaut. Je te laisse imaginer l’accumulation des émotions et sensations au fil des ans ! La bonne nouvelle est ce que l’on appelle la neuroplasticité du cerveau : sa capacité à évoluer, transformer ses réseaux neuronaux, en réécrire de nouveaux ; par exemple, en apprenant de nouvelles manières de faire.
- Se (re)mettre en mouvement : comment ?
Si la thérapie de fond permet de désensibiliser les épisodes traumatiques dans lesquels sont enracinés nos schémas de fonctionnement, il existe aussi une série de gestes ou routines à mettre en place dans le quotidien et qui ressourcent nos réserves d’énergie pour sortir du figement et nous remettre en mouvement.
- 1- La respiration :
Je te propose de respirer : centre-toi sur ta respiration, observe-la avec bienveillance, porte ton attention à l’air qui pénètre par tes narines, sa température, son flux qui descend vers les poumons… Porte ton attention ensuite à l’air expiré, comment il s’est réchauffé en circulant à travers ton corps en vie. Autorise-toi un moment de pause en prenant des respirations amples. Inspire par le nez et laisse tes poumons se remplir du bas vers le haut. Expire ensuite par la bouche, jusqu’à la dernière bulle d’air. Prends le temps de recommencer autant de fois que tu le souhaites.
Observe ensuite comment tu ressens l’énergie circuler en toi : quelques chose a-t-il changé, après cette respiration consciente ?
Tu peux répéter l’exercice à tout moment de la journée et autant de fois que tu le souhaites.
- 2- Marcher pieds nus au contact de la terre :
La mise à la terre – grounding, en anglais – permet de reconnecter le corps à l’énergie du vivant, de notre planète Terre. Si tu n’as pas de jardin à ta disposition, tu peux probablement trouver un espace vert où tu peux le faire. Il suffit de te déchausser et poser les pieds nus au sol ; sens-toi libre de marcher ou simplement rester debout ou même assis.e sur un banc. Et si tu ne peux pas sortir ou marcher, jardiner – même en pots -, mettre les mains à la terre est aussi efficace pour te (re)connecter à cette énergie du vivant.
De la même manière que pour la respiration, je t’invite à observer, à la fin de ce moment, comment l’énergie circule dans ton corps.
- 3- Chanter, danser, crier, sauter :
Je te propose d’écouter une musique que tu apprécies, qui te fait vibrer, qui te mets en joie, en forme. Et laisse-toi porter par cette chanson, cette œuvre, autorise-toi un moment d’improvisation : de danse, mouvement, chant,… Je t’invite à observer, à la fin du morceau, comment circule l’énergie en toi. A répéter dès que tu en ressens l’envie.
- 4- Sourire :
Cet exercice peut paraître un peu saugrenu et pourtant, la recherche a prouvé que le simple fait de sourire – même si l’on a l’impression de se forcer – déclenche la sécrétion d’endorphines, hormones du plaisir ! Je t’invite à sourire face à un miroir, à ressentir comment les muscles de ton visage se tendent, se positionnent et ensuite, observer si tu ressens une différence dans le flux énergétique, après avoir souri. Tu peux en faire une routine au réveil, par exemple ; lorsque tu es dans la salle de bain face au miroir, prends un moment pour une pause sourire.
Si le cœur t’en dit, je te lance un défi : sourire à la première personne que tu rencontres chaque jour de la semaine. À la fin de la semaine, je t’invite de prendre un moment et observer si tu sens une différence par rapport au début de la semaine. Tu peux aussi faire le point : comment as-tu vécu cette expérience ? Est-ce qu’au début tu avais l’impression de te forcer à sourire ? Cette impression a-t-elle évolué au fil du temps ? Est-ce que le fait de sourire a changé quelque chose dans ton quotidien ?
J’attends ton retour avec joie et curiosité !
Chaleureusement,